Saison 2023-2024

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AVANT / APRÈS

Directeur artistique

Olivier Kemeid

22 03 29 30 QUATSOUS 22 OLIVIER

Curieux et insaisissable, le passage du temps. Habité certainement par ma propre transition, j’ai voulu articuler cette dernière saison autour des notions de l’avant et de l’après. Le monde d’avant et son lot de certitudes et d’habitudes ; le monde d’après, avec son enfilade de doutes et de nouvelles coutumes. Je dirais que notre travail, comme artistes de théâtre, n’est pas tant de juger ce qu’il faut conserver des mondes anciens ou ce qu’il faut chérir comme nouvelles perspectives, mais de relater ce moment où tout a basculé : c’est déjà une grande tâche.

Peut-être, dans ce cas, la porte du Quat’Sous représente-t-elle la barre oblique séparant l’avant de l’après. Ou, mieux, le chemin oblique, ce qualificatif qu’on utilisait jadis pour signifier un détour. Et comme le recommande le bon vieux guide Michelin à propos des sites incontournables, j’accole tout de suite à notre saison prochaine l’expression consacrée : « Vaut le détour ».

Les spectacles que nous vous proposons se situent donc tous dans ce moment où un monde ancien s’effondre et, inéluctablement, de nouvelles trouées d’espoir dans la muraille de nos impasses se créent.

Depuis des années j’avais en tête de programmer au Quat’Sous Parents et amis sont invités à y assister, le chef‑d’œuvre d’Hervé Bouchard publié en 2006, hallucinant oratorio funèbre qui emprunte au roman, au théâtre, au récit, à la polyphonie. Au lendemain de la mort du père, un monde nouveau se dessine autour de la veuve Manchée, qui sera interprétée par la merveilleuse Lise Castonguay. Il fallait un démesuré tel que Christian Lapointe pour s’attaquer à cette œuvre phare.

Un monde ancien aussi s’effondre dans La fin de l’homme rouge, et qui a pour nom URSS… La grande écrivaine Svetlana Alexievitch, prix Nobel de littérature 2015, emprunte également le mode polyphonique pour rendre compte du désenchantement provoqué par la dislocation du régime soviétique. Un texte fondamental, pour tenter de comprendre, je dis bien « tenter », ce qui se trame sous la guerre atroce menée par la Russie en Ukraine. Une première mise en scène pour Catherine de Léan, qu’on connaît déjà comme actrice !

Comme chez Hervé Bouchard, où chaque vivant a des morts et des pères qui lui emplissent la tête, tel un « Hamlet qui magasine », La Vengeance et l’oubli s’intéresse aux spectres du passé et à la fin d’un régime autoritaire en s’inspirant de la grande figure shakespearienne tourmentée du prince danois. C’est votre humble serviteur, qui a en tête depuis longtemps de se promener très librement dans la dense forêt de Hamlet, qui sera aux manettes du spectacle.

Il n’est pas exagéré d’affirmer qu’un monde est parti avec le départ d’André Brassard, qui a signé pas moins de seize spectacles au Quat’Sous tout au long de sa riche et longue carrière. Olivier Choinière, qui a eu la chance de côtoyer le maître pendant de nombreuses années, et qui a pu enregistrer plusieurs de leurs échanges, fait revivre ce monument du théâtre dans La dernière cassette. Comme Choinière ne fait jamais les choses comme les autres, il nous propose un anti-casting radical dont il est friand : ce sera Violette Chauveau qui interprétera Brassard !

Enfin, nos ami·e·s du Théâtre de l’Opsis prennent d’assaut une autre œuvre majeure de notre littérature : celle de Catherine Mavrikakis, dont plusieurs livres seront compilés, juxtaposés et adaptés par Pierre Yves Lemieux, et mis en scène par Luce Pelletier. On retrouvera dans Le ciel est une belle ordure les thèmes chers à l’écrivaine, dont en premier lieu les fantômes du passé – revoilà des spectres ! – et la colère, l’un des grands (le seul ?) facteurs de changement.

Le passage de flambeau

Me voici à mon tour propulsé dans le monde d’après… Heureux d’avoir vécu de si beaux moments en votre compagnie. J’en profite pour saluer ma chère équipe, qui va tant me manquer, tou·tes les artistes exceptionnel·le·s qui ont habité la maison avec moi au fil des ans et enfin le public, resté fidèle à travers toutes les tempêtes. Que vous soyez de retour, nombreux et enthousiastes depuis la réouverture des salles me remplit de joie, m’aidant à partir avec le sentiment du devoir accompli et laissant poindre de grandes espérances. Que la roue tourne, que le flambeau soit repris et qu’il puisse éternellement briller sur la scène du Quat’Sous !

Olivier Kemeid
Directeur artistique 2016 — 2023

Photo: Kelly Jacob

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