Photo: Illustration: Mathieu Larone | Photo: Kelly Jacob
Une architecte, une chef de publicité, un vendeur de quincaillerie italienne et un fils de héros de guerre viennent nous livrer leur témoignage à la suite de l’effondrement de leur monde. Ce monde, c’était l’URSS. La fin de l’homme rouge rend compte des bouleversements entraînés par le démantèlement du régime soviétique à l’orée des années 1990. Symboles vacillants, statues déboulonnées et drapeaux remplacés ne sont que la face visible et extérieure d’un changement radical de système : ce que la pièce met en lumière, c’est la vie intime des populations concernées, cette individualité qui était justement écrasée par l’ancien régime. Pour autant, et malgré le sentiment de libération éprouvé par certains, les idéaux défendus par le capitalisme ne semblent pas offrir de perspectives particulièrement réjouissantes…
« L’histoire ne s’intéresse qu’aux faits ; les émotions, elles, restent toujours en marge. Ce n’est pas l’usage de les laisser entrer dans l’histoire. Moi, je regarde le monde avec les yeux d’une littéraire et non d’une historienne. » Journaliste et écrivaine biélorusse, Svetlana Alexievitch a mené des entrevues pendant des années auprès des citoyennes et citoyens de l’ex-URSS. La fin de l’homme rouge rassemble en récits ces entretiens d’une richesse et d’une sensibilité inouïes, parties intégrantes d’une œuvre qui a valu à son autrice le prix Nobel de littérature en 2015. Le spectacle, quant à lui, sélectionne quatre de ces témoignages.
Une première version de ce projet a été présentée en 2021 sous forme de laboratoire, produit par le Groupe de la Veillée, dans le cadre de Territoires de paroles et du Festival international de littérature (FIL). Il s’agit de la première mise en scène de Catherine De Léan, qui a été attirée par cette incursion privilégiée au cœur de l’intime, dans des récits réels qui semblent tout droit sortis de la fiction… Mais la Grande Histoire soviétique, avec au cœur de sa matrice le fameux « homme rouge », n’était-elle pas avant tout une fiction ?